Elisabeth regardait le cercueil qui descendait lentement, tenue par deux sangles dans le  caveau familial. Elle était entourée de quelques personnes fidèles qui avaient aimé sa mère, l’avaient apprécié, estimés. Ils étaient issus de ce petit village provençal ou sa Mère, sa famille avaient vécu.

Trois jours plutôt une amie proche l’avait averti. Elle savait sa Mère malade, mais n’avait pas pensé que ce fut si vite. Arrivée chez elle, enfin son ancien chez elle, cette belle ferme avec la grand bâtisse qui servait dans le temps à la fabrication de fromages de bébris, elle avait intégré sa chambre de jeune fille. Fait le nécessaire, mis sur le lit qui servait depuis toujours comme ‘lit de mort’ sa Mère avec l’aide de l’infirmière qui l’avait soignée. Habillée. Elle reposait ainsi, très belle dans sa mort.

Autour, pleins de fleurs qu’elle avait coupées dans le jardin, des fleurs à foison, car c’était le mois d’août,  des chaises et un bénitier au pied du lit. Tout le village avait défilé. Assis autour du lit, ils avaient discuté, parlé d’anecdotes concernent sa Mère, de sa vie bien remplie. Pendant deux jours et puis ce fut la mis en bière. Elisabeth était sereine, elle avait eu le temps de dire au revoir et l’embrassa pour la dernière fois.

Le plus pénible avait été de nettoyer le caveau des anciens morts, car il n’y aurait eu plus de place sinon. Elle y devait assister, telle est la loi. On enlève les débris de bois des cercueils, on ramasse les ossements très friables qui restent et on met le tout dans une urne. Si on trouve des bijoux, soit ils sont joints, soit on le récupère. Elisabeth assistera donc sans grand intérêt, détournant son regard vers les saules pleurer qui meublaient le cimetière.

Au quatrième cercueil délabré, celle de son arrière, arrière-Grand-Mère dont elle avait tant entendu tant parler dans sa jeunesse, les fossoyeurs attirèrent son regard sur une magnifique broche qu’ornait un rubis de la taille de son pouce, encerclé à l’ancien de diamants, le tout en forme de cœur. Elisabeth se pencha. La prit. Non, elle n’était pas vénale, loin de là. Mais cette si lointaine Grand-mère n’avait pas été banale. Oh, pendant combien de veillées elle avait entendu des histoires là concernant…..Elle décida sur une impulsion de la garder.

-Ecoute, Babeth…Je comprends pour ta Mère. Mais notre couple, tu comprends…Enfin tu comprends…J’ai réfléchi. Je veux des enfants, tu es stérile. Je ne veux pas adopter. Ecoute, ça tombe mal, mais pendant que tu n’étais pas là…Enfin, voilà…Je te quitte. Divorçons.

Elisabeth, encaissa le coup. Cela faisait long temps qu’elle s’en soit doutée. Ses absences…Excuses bidons…

-Madame Coulange ? Voilà, nous avons un enfant pour vous. Elisabeth tremblait. Depuis cinq ans elle attendait ce moment. En tant que Mère célibataire ses démarches à la DASS avaient été dures. L’adoption. Qu’importe, elle n’avait posé aucune condition, sauf celle que toute les Mères souhaitaient, un enfant en bonne santé…- Voilà, nous avons une petite fille pour vous, elle vous attend…

Elisabeth regarda longuement son unique richesse. La broche de sa défunt Grand-Mère. D’un pas décidé elle alla en ville, l’a mit au clou au Monde Piété, récupéra une somme confortable, s’envola au Mexique. –Voilà elle s’appelle Lola. Elle a environ 5 ans. Lors de la dernière tornade qui a ravagé son village, elle fut sauvé d’une coulée de boue. Plus de parents. Village aneti. Elle n’a aucun problème, sauf, elle ne parle pas. Il se peut qu’elle soit muette. Nous ne savons pas. Venez avec moi.

Une fois devant la petite fille, Elisabeth la regarda. Certes, ce n’était plus un bébé. Très métissée, cheveux noirs….Et ce regard ! Lola la regarda aussi. Lola n’avait jamais vu des si beau cheveux couleur le miel…Et des yeux si bleus. Elle décida de l’aimer et sourit.

De retour chez elle, Elisabeth s’était organisée. Non, cela n’avait été facile. Son travail, intégrer Lola dans une école pour enfants handicapés…Ah, elle s’en fichait, ah ! Lola était son soleil ! A fur et à mesure Lola découvrit son nouvel environnement. Beaucoup à manger, ça c’était nouveau ! Lola entendait, elle n’était pas sourde, mais elle ne parlait pas. Elle se faisait comprendre par gestes et elle souriait souvent….

Le jour ou Elisabeth eut assez épargné, elle récupéra la broche mis au Monde Piété. Grâce a elle, elle avait eu Lola. En voulant la nettoyer elle avait appuyé sur un des diamants et la plaque en vieille or rouge qui enrobait le rubis s’était ouvert. Une très belle femme la regardait, la miniature avait un peu jaunie, mais elle lui ressemblait trait pour trait.

Elisabeth sur le point de partir, sa petite voiture chargée à mort, entendit le téléphone sonner

– Oui ? C’est moi, Jérôme ! Ecoute Babeth, j’ai fait une connerie ! J’ai deux gosses maintenant, ma femme ….Bref, j’ai fait une connerie monumentale !! Babeth, tu sais…Je t’aime toujours ! Elisabeth raccrocha.

 –Lola ?Lola en voiture !

Arrivée dans son village natal, car elle avait gardé la vieille maison de ses parents, Elisabeth se rendit droit dans la grande bibliothèque. Elle chercha, purée pourvue que ce livre existait encore….Ouiiiiiiiii ! Il était là. Elle prit un coupe-lettres, sépara doucement la feuille qui était collé sur le carton qui enveloppait le livre. Une page s’en détacha. Très fine.

-Toi, qui me lis je vais te conter le secret de la vie. Eh bien il est en toi ! C’est toi qui te crée tes bonheurs. Le temps ? Il n’a pas d’impacte…Aucune importance. Vie ta vie comme s’il n’existait pas. Tout se répète…Prends un miroir, mets le en face de toi et un autre miroir….Et tu verras l’éternité….Je t’embrasse affectueusement….. Mady.

-Maman, maman…ai trouvé …Enfin, ai trouvé…Comment ça appeler ….Un truc avec… enfin un truc dur…Maman !

 Accoudée à la porte, Elisabeth lui dit en riante - Lola ? Soit c’est un escargot, soit une tortue ! Alors ? Ramène !

Voyante sa fille, oui SA fille, ramener l’objet Elisabeth était heureuse. Lola avait trouvé la tortue centenaire,  Joséphine de son nom ….Celle qu’elle avait déjà connu enfant. Et elle l’avait appelé Maman.

by herself OCTOBRE 2004