THE ANSWER IS BLOWING IN THE WIND…

Tous sont là. Nous sommes 14 plus moi, seule fille de la bande des Totems. Nous avons élu notre point de rencontre dans une vieille hutte abandonné. C’est un peu délabré, nous faisons un Lagerfeuer, un feu, en faisant gaffe. Non, je n’ai plus 12 ans. Nous avons tous entre 17 et 22 ans.

Il y a Norbert=Berti, Manfred= Freddy, Rudolf= Rudy et A.B.C.D…..

Tous ont apporté quelque chose, qui des chips, qui de l’accool, frère a piqué de la vodka… Nous sommes riches.

Tous travaillent ou sont à la Fac. En Allemagne nous n’avons pas cette différence des ‘classes’. Un ouvrier, un artisan, un ingénieur gagne autant que les autres. Est estimé pareille. Passons.

Et la voix de Janis Joplin déchire la nuit. (Cry baby)

Je me coule dans les bras de Berti. Ha ! Petit il était boulotte et il avait toujours des sucreries pleines les poches. Des tagadas, hanutas, tite Prince, bref. Qu’est ce qu’on a pu le taxer ! Là, il fait asperge, 1.90m et il fait médecine.

Sur notre feu de camp nous grillons des saucisses. Et les joints circulent. Je n’aime pas trop, mais de la bonne Marie-Jeanne d’Amsterdam, ça ne se refuse pas.

-Ah Bri, qu’est ce que tu nous as manqué !! C’est Freddy. –Et encore à cause t’es lolos !

Humpf ! Aucune fille n’a jamais passé le stade d’accéder à la bande. Elles craquaient tous. Soit à cause du serpent, soit à la scarification ! Ne parlons pas du cimetière ! Ah là. Entrain de boire un coup de vodka je crache le continue dans le feu parce que je ris !

Certes, mes parents m’avaient interdit de ‘jouer’ avec les garçons, mais chaque fois que j’ai pu, averti par Frère, je participais aux ‘excursions’….

Et la voix de Jimmy Hendrix déchire la nuit. (Hey Joe)

-Bri on veut voir tes lolos !!! Refrain : Tes lolos, tes lolos !

-Ok, mais il faut d’abord deviner leur taille, le gagnant aura le droit de les embrasser ! Si jamais vous bandez, hein, vous perdez !

Alors l’enchère a commencé. 90B ? –Froid ! –C ? Un peu chaud ! Bref je passe. C’est Berti qui a trouvé ! Et j’ai soulevé mon T-Shirt.

Waw ! Plus jamais nous avons les seins aussi beau qu’a cet âge là. Les miennes sont en forme de pomme et je n’oublierais jamais leurs regards !

S’ensuive un concours de pet. Ah là la rigolade, la rigolade car je n’arrivais pas !Ni de roter ! Mais je siffle très bien!

La soirée continue et chacun parle de ses rêves. Frère fait part qu’il est tombé amoureux…Un début. D’autres pareilles et ils me demandent conseil.

Ah non, ce n’était pas encore comme today. Notre bande ? Nous étions les Totems, parce que comme les Indiens nous nous faisions une mixture avec laquelle nous nous peignons des traits sur nos visages avant de partir en ‘excursion’ ! Nous jouions aux couteaux en les plantant dans un arbre. Et ne pas sur un humain... Nous avions des bandes ‘rivales’ mais le jeu consistait à ‘descendre’ le chef. Lui parterre c’était fini. J’avais ma technique à moi. Mais non, il ne faut taper dans les couilles !Putain les filles  Ils vous prennent la jambe et vous foutent parterre !Hey, faut taper dans le tibia….arf et ensuite choper une main et tordre le tite doigt !

Ca, ça fait mal !!!

Un jour un type d’une bande rival m’a coupé un morceau de ma natte !!!Si ! Pas grave, on l’a chopé et on l’a tondu !!!

Et Bob Dylan chante…

X nous avoue qu’il est gay. Il aime un homme. Silence. Why not ! Tous sont d’accord. Il est tellement viril que nous sommes sur le cul. Mais il a peur. Sa famille. Seule garçon…Sur ce Rudy sorts une ampoule et un sucre.- Mes amis c’est du LSD. - Mais tu déconnes !Touche pas à ça ! Ma voix s’élève. Je le regarde. Il a toujours été frêle, mais là il est maigre. Je me lève, remonte les manches de sa chemise. Rien. Il rigole. Je n’ai pas envie de rigoler. –Ouais, c’est ça…Quitte tes chaussures ! Et c’est là. Il se choute à l’héroïne. Lui.

-Ecoutez ! C’est 10 orgasmes d’un coup, et là….J’ai envie de tester l’LSD !

Et la voix de Jim Morrison déchire la nuit.

Du coup nous sommes tous pensives.- Et toi Bri, comment ça va ?- Ah les Mecs, je suis amoureuse. Il est Journaliste et Grand-Reporter. Il s’appelle Y et je vais vivre avec lui.

Le tollé !- Quoi ? Tu nous parle ce fameux Y ???? Le Y !!!! 

- Oui. Je l’aime.

-Bri, si c’est un salaud on le descend !

Oh combien j’aime ma bande…. Nous sommes les Rois du Monde, le MONDE nous appartient, nous nous croyons éternelles…..Mon frère me fait signe. Faut partir.

En marchant sur la route frère me dit de ne pas tout prendre tant à cœur. Je le regarde avec adoration.

Un an plus tard il intègre une Banque. Directeur de filiale. Faut bien commencer. Il commence bien.

Quelques années plus tard.

Enfin nous arrivons à notre Fast-Food préféré d’autrefois, tenue par des Turques. Je charrie le fauteuil roulant de frère. Nous ne sommes plus que 7. Nous sommes arrivés tôt, car nous voulions notre table. Le patron nous reconnaît….

Nous nous glissons sur des larges banquettes en skaï rouge et mettons frère au bout. La table est en bois et il y a toutes nos inscriptions dessus, plus d’autre bien sur. Ce qui est sympa ici, c’est qu’a chaque table il y a un mini juke-box individuel et niveau bouffe se sont des gros portions. Nos commandes arrivent et je regarde avec étonnement la mienne. Enorme ! Comment ai-je pu avaler ça autrefois ?! Il règne une certaine excitation car c’est avec surprise que nous nous sommes découvertes ! Comme certains ont changé ! Freddy est presque chauve et porte son petit bidou avec honneur. Il gère l’entreprise de son Père. Rolf est devenue un géant de 2m, il ressemble à John-John K. Berti vient de finir ses études. Bac plus 16. Il va partir aux States, à lui les ‘belles américaines’, voitures et femmes…. Pratiquement tous sont mariés et ont des enfants. Ils ont tous bien réussis. Nous buvons nos bières et montrons nos photos. Je suis mariée mais en break, je vis en France avec un scientifique, Ben, un normand.. Malgré tout je montre les photos de mon mariage. Non, ce ne pas mon Journaliste, lui, il est mort. Chacun raconte son histoire. Sa vie. Encore une tournée de bière accompagnée de Schnaps. Nous éprouvons tous la même affection, l’amitié comme autrefois. C'est fort.

Alors frère sorts de son cartable des collages qu’il a fait. Ils sont beaux, il y en a 15. Un ange passe. Les manquants sont tous morts. Overdose, accident, maladie, suicide.

Il a oublié. Depuis son suicide et le coma son cerveau a des ratées. Il est tout gai, heureux de voir ses potes et il commence à radoter. –Cadeau, cadeau ! Nous jouons le jeu un moment puis Berti se lève, lui met la main sur l’épaule et le calme. Quelqu'un a mis un jeton dans le juke-box et j’entends la voix de Dylan…Mon cœur se serre.

Je regarde autour de moi et je vois que les banquettes en skaï rouge sont défraîchies, par endroits craquelés. En fait rien n'est plus pareil, tout en étant pareille mais le temps a laissé ses traces. Impitoyablement. Nous ne sommes plus les Rois du Monde, nous sommes devenues adultes.

Depuis un bon moment déjà, la table a coté de nous, nous provoque. Frère gène le passage apparemment. Nous n’avons pas tenu compte de ces jeunes, déjà d’une autre génération.

Mais il y a ce mot de trop ’handicapé mental débile’. Et j’enlève tous les mégots de nos cendriers….Et je trempe ma main dans la bière…Tous savent ce que cela veut dire. Je fais une pâte avec les cendres et je me fais ‘mes’ traits. Je passe mon poudrier, tous suivent….Et Freddy peint un trait noir sur le visage de frère, partant de son front au menton.

Pour l’occasion je porte une jupe plissée et des nattes. Lolita, car je fais déjà moins que mon âge. Je me lève, m’approche du tite con. Je chope son couteau fiché dans la table, son petit jouet, le soupèse et étant seulement à 10m du jeu de fléchettes, le fiche en plein dedans. Je le prends par le collet, ce petit con- Répète voir ? Les handicapés sont des malades débiles ? Tu parles de mon frère là. Excuse-toi !Il ne le fait pas et je le gifle ! Imaginez son regard devant cette nan, une belle blonde, avec des traits noirs d’indienne !

Je me recule à temps….Rolf le prend, le passe sur la table, les verres valsent, il le déculotte et il a eu une fessé carabiné. La fessé qu’il n’a jamais eu. Humilié, il se tire et sa clique avec. Et je vois sourire le vieux Turque...

Nous discutons encore un peu, puis il faut se séparer. Nous avons du mal. Nous attendons le dernier moment. Finalement nous nous embrassons, mais oui, mais bien sur nous, nous reverrons…. ! J’ai envie de crier ‘Ne partez pas ! NE PARTEZ  PAS ! Tous partent, tous avec leurs traits sur le visage….Car chacun avait ses traits dans notre bande.

Nous sommes des frères de sang, unis par notre scarification. Tous ont leur marque au buste, moi à la cheville….Parce que j’étais une fille. Quand mon sang a coulé, ils se sont piqué les doigts et ont mélangé le leur avec le mien. Telle était notre rite. Le sida n’existait pas.

NOËL 2005

Une carte accompagnée d’une lettre. Berti. Il a trouvé mon adresse via mes parents. Il a essayé de réunir encore une fois tous ceux qui restent…..Il n’a trouvé que moi.

Berti qui était gros et qui avait du mal à courir. Berti dont j’étais son arrière-garde, car moi je courrais vite. Je me cachais derrière un arbre et je tendais ma jambe au bon moment ! Parterre l’adversaire, ce qui lui laissait une marge. Pour se sauver. Berti.

C’est fini, la bande des Totems n’existe plus sauf dans notre mémoire…..La bande des Totems dont mon Frère était le Chef.

by herself JANVIER 2006